samedi 16 janvier 2010

Chroniques de couloirs

Le service des urgences est un endroit peu ordinaire, un lieu-dit dans l'hôpital, un lieu ouvert sur la cité. Une forme de carrefour hospitalier. Un lieu comme une scène. Une scène dont le rideau ne se referme jamais. Une scène, où les trois coups retentissent sans cesse. Il fourmille de figurants, acteurs malgré eux. Des acteurs qui ne répètent jamais, et qui pourtant répètent indéfiniment la tragédie, les mêmes scènes de la vie, l'enjeu des destinées. Tragédies quotidiennes, humaines. Mais où est donc passé le Docteur House ? Je ne l'ai point vu.

Il est 18.36. Un quart d'heure de pause. Je passe les portes vitrées et je respire un bol d'air. Je bois enfin mon café de 13.30. Il était froid, je l'ai fait réchauffer. Beurk, je n'aime pas le café réchauffé, mais celui là, il est délicieux. La clope qui va avec, me fait tourner la tête. (Mr Snake, évitez de me faire la morale, j'ai rendez vous en addicto, juste après l'obtention de mon DE.) Je suis claquée. 58 entrées en 5h. Je suis toute molle tout d'un coup. Je m'assois sur un rebord de misère un peu crado, avec un espèce de cendrier de misère lui aussi, tout aussi crado, où se mêlent gobelets en plastique, papiers de bonbons, paquets vides de chips et autres madeleines à deux euros les six. L'endroit est tout simplement merveilleux. Je pense 5 minutes à mon chéri, qui n'est plus mon chéri, mais toujours mon chéri. Rien, un instant de nostalgie. J'observe mon reflet dans la vitre d'en face. Mes cheveux sont un peu en bataille, ma tenue plus aussi impeccable. Des cernes de fatigue alourdissent mon visage mais je suis profondément fière d'être là. Je suis dans mon élément.

18.53, je me relève, jette mon gobelet, et repasse les portes vitrées dans l'autre sens. C'est reparti ! La tête dans le guidon. Cinq nouvelles personnes dans la salle de "tri". Tous, les perfuser, les bilanter, les constanter, poser les 1ers diagnostics, les évaluer, les rassurer, les surveiller, les diriger vers la radio, le scan, ou la "déchoc"... Mais ce n'est pas aussi simple. Un tel, vomit dans un sac, allo Dr pour rajouter un anti émétique, un tel n'est pas calmé par l'antalgique prescrit, allo Dr pour une titration morphinique. Un tel veut absolument qu'on aille rassurer son épouse qui attend en salle d'attente. Une autre s'agite, un autre désature, l'électro de Mr Coeur montre plusieurs extrasystoles qui pourraient bien partir en fibrillation ! Non, rien n'est simple ici ! A tout instant tout peut partir en sucette ! Mon seuil de vigilance est à son comble en permanence, l'adrénaline n'est pas seulement dans les p'tites ampoules, mais là circulant dans mes veines à toute allure.

Autant vous dire que quand je sors d'ici, la voiture rentre seule à la maison. Je suis vidée. Mais tellement satisfaite d'avoir participé à "sauver des vies"... Et ça, dans son job, c'est géant. C'est équilibrant. Je relativise plus spontanément sur mes petits maux quotidiens... Quand je suis là bas, j'oublie presque tout, ça me rattrape plus tard, puis ça s'étiole à nouveau, dès que j'enfile ma tenue...

Voilà, maintenant, après deux mois de stage ici, je sais que c'est là que je veux travailler. Là, au front, dans l'agitation, le risque, les débordements. Je suis bien campée dans mes "croc's rouges". Mes compétences professionnelles ont été reconnues, tant sur le plan humain que technique et théorique. En avant toute !

Lundi, j'attaque mon tout dernier stage (psychiatrie, secteur fermé). C'est là bas que je passe mon diplôme d'Etat. Trois ans et demi d'études sous pression continue ou presque. Trois ans et demi d'une vie agitée, bouleversée, mais bien remplie. Un grand merci à tous les gens qui m'entourent et m'accompagnent.

Quelqu'un veut il que je le perfuse ?

Et mon pull ? Toujours à l'envers... Mais doux et chaud.


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